Penser comme une poule
Animal WelfareImaginez un moment où vous avez eu un besoin impératif de faire quelque chose; vous asseoir, par exemple. Le désir vous consume. Il vous faut suivre ce penchant à tout prix. Mais on ne peut s’asseoir nulle part dans vos alentours. Qu’importe? Il faut quand même essayer. Vous voyez un banc occupé, mais lorsque vous cherchez à vous y installer, on vous repousse. Votre désir brûlant ne vous quitte pas pour autant, ainsi vous tentez de vous distraire en faisant autre chose. Vous vous cherchez quelque chose à manger ou à boire, mais votre besoin demeure. Votre frustration augmente; peut-être envisageriez-vous de vous emparer du banc de quelqu’un. Enfin, après avoir cherché longuement et en vain une place, votre motivation s’épuise, et vous vous contentez de vous poser sur le sol un peu n’importe où.
Quel rapport avec les poules? Je m’appelle Michelle Hunniford et je suis spécialiste nationale des soins aux animaux aux Fermes Burnbrae. L’expérience que je viens de vous décrire est comparable à celle d’une poule au moment où elle cherche à se faire un nid. Certains systèmes d’élevage de poulets, comme les cages traditionnelles, n’offrent pas de nids aux poules. Celles-ci doivent se contenter de pondre par terre. Les cages aménagées sont censées régler ce problème avec une aire de nidification dotée de rideau. Est-ce que cela règle le problème?
Mes recherches doctorales se sont penchées sur la façon dont les poules ont réagi face à ces nids en cages aménagées et ce qui pouvait se faire pour améliorer ces cages. J’ai tenté de me mettre à la place de la poule pour voir le milieu comme elle le voyait (ou, comme le dirait mon père, penser comme une poule ). Sauf que voir le monde à travers les yeux d’une poule, ça ne se fait pas; il me fallait trouver d’autres moyens de comprendre leur expérience et la perception qu’elles avaient de leur environnement.
J’ai découvert que les poules ne cherchent pas toutes la même chose d’un nid. Certaines préfèrent les espaces clos; d’autres, une surface différente. Peu importe le genre de nid qu’on leur donne, certaines poules se promèneront et pondront leurs œufs où bon leur semble. Même l’ajout d’une simple cloison métallique peut suffire à faire d’une zone jadis inintéressante une espèce de nid semi-clos.
En décrivant aux gens ma thèse de doctorat, j’explique parfois que j’étais une sorte d’architecte de la volaille. J’observais la manière dont les poules interagissaient avec leur espace afin d’en concevoir quelque chose de meilleur. Cela m’a fait réfléchir sur les effets, parfois considérables, que peuvent avoir certaines conceptions bizarres et apparemment aléatoires sur l’expérience d’un animal. Nous avons beaucoup de pouvoir au moment de concevoir un environnement pour les animaux. Que ce soit au zoo, à la ferme, au laboratoire ou à la maison, le milieu de vie d’un animal a un impact réel sur son bien-être . La création d’un tel environnement, en gardant l’animal à l’esprit – son comportement, sa capacité mentale, sa physiologie – est un des moyens de lui assurer une bonne qualité de vie. Tout cela est possible, si nous voyons l’environnement à travers les yeux de l’animal… c’est-à-dire, penser comme une poule.
Lien de l’article de blogue -- https://www.michellehunniford.com/post/be-the-chicken